L’inouï des cliniques de l’extrême ou la « seconde vie » de la psychanalyse freudienne

Doctorant en psychopathologie clinique à l’Université Sorbonne Paris Nord. Laboratoire Unité Transversale de Recherches en Psychogenèse et Psychopathologie (UTRPP). 99 avenue Jean-Baptiste Clément, Villetaneuse, 93430. Bachelor of Arts en Littérature Comparée, Harvard University. Master of Social Work, University of Southern California.

^* nicolas.schwalbe@gmail.com

Résumé

En prenant comme point de départ le concept philosophique de “seconde vie” inventé par le philosophe-sinologue François Jullien ainsi que les travaux de Michèle Benhaïm sur la clinique sociale, cet article détaille comment de nouvelles pratiques cliniques auprès de sujets vivants en grande précarité contribuent à la réinvention de la psychanalyse freudienne en tant que technique thérapeutique et en tant que discours scientifique. En s’appuyant sur le dialogue qu’Olivier Douville a eu avec François Jullien, cet article explore également comment le concept d’inouï associé à un référentiel anthropologique en situation clinique permet d’apporter des éclairages aussi bien éthiques et politiques qu’épistémologiques et techniques aux cliniciens qui vivent au contact de la grande précarité dans leurs milieux de travail. Enfin, cet article se conclut avec un récit qui vise à illustrer comment deux concepts opératoires, la « fiction théorique » et le(s) « geste(s) et souffle(s) d’erre(s) », seraient à même de participer à une ré-invention littérale de la psychanalyse freudienne. Cet article a été écrit dans le cadre d’une participation au programme collectif de recherches « F. Deligny et le pratiques cliniques contemporaines » mené par Derek Humphreys (Professeur des Universités-HDR, Paris-Cité) et financé par la Maison des Sciences de l’Homme (MSH) Paris-Nord.

Abstract

This article details how the philosophical concept of the “second life” developed by the French philosopher and sinologist François Jullien and how the clinical social work practice documented by French psychoanalyst and clinical psychologist Michèle Benhaïm shed light on recent developments in psychoanalytic practice in ressource-deprived healthcare settings servicing marginalized individuals. Taking cues from the ongoing dialog between François Jullien and the French clinical psychologist and psychoanalyst Olivier Douville, it highlights how the concept of the unheard can be attached to a theoretical and practical anthropological framework capable of assisting clinicians working with marginalized individuals in resource-deprived settings on a simultaneously ethical, political, epistemological, and technical level. By way of a clinical tale, the article concludes with an illustration of two operative concepts: the “theoretical fiction(s)” and the “wandering breathgesture(s)”, thus attempting to demonstrate how such concepts could contribute to the literal re-invention of Freudian psychoanalysis. This article was written in the context of the author’s participation to the ongoing research program “F. Deligny and contemporary clinical practices” led by Derek Humphreys (Tenured Professor and Research Director, University Paris-Cité) and funded by the Maison des Sciences de l’Homme (MSH) Paris-Nord.