L’addiction comme rempart à la dépression

Addiction, an anti-depressive struggle

Professeur de Psychologie clinique et de psychopathologie ; Université de Nantes, Équipe « Bien-être et processus de subjectivation »

^* didier.acier@univ-nantes.fr

Résumé

Cet article tente de lier deux temporalités psychiques quant à la construction d’une solution addictive pour un sujet en lutte contre des mouvements dépressifs. Il pose l’hypothèse d’un premier temps de construction psychique aux premiers âges de la vie (Winnicott), amenant la possibilité d’avoir recours de manière durable à un objet addictif, dans un deuxième temps (McDougall), sans oublier l’inscription dans une neurobiologie et un moment socio-culturel (Olivenstein). Ce dernier point est particulièrement mis en avant, avec une société contemporaine qui soutient la chasse à l’ennui et aux temps morts, au profit d’une quête perpétuelle de satisfaction. Les substances ou les comportements addictifs demeurent des Pharmakon, c’est-à-dire qu’elles procurent un plaisir et sont un remède, avant de devenir un terrible poison. Mais l’addiction peut ainsi s’entendre comme une lutte anti-dépressive, l’absorption répétée de la substance visant à se superposer à un sentiment de vide insupportable et à une angoisse de séparation. Cette clinique du vide implique peut-être un mouvement plus étayant de la part du clinicien, un mouvement pour s’engager dans le gué et ne pas être trop frustrant.

Abstract

This article attempts to link two psychic temporalities regarding the construction of an addictive solution for a subject fighting against depressive movements. He considers the hypothesis of a first phase of psychic construction in the first ages of life (Winnicott), bringing the possibility of resorting in a sustainable way to an addictive object, in a second time (McDougall), without forgetting the enrollment in a neurobiology and a socio-cultural moment (Olivenstein). This last point is particularly emphasized, with a contemporary society that supports the hunt for boredom and downtime, in favor of a cosntant search for satisfaction. The addictive substances or behaviors remain a Pharmakon, that is to say, they provide a pleasure and a cure, before becoming a terrible poison. But the addiction can thus be understood as an anti-depressive struggle, the repeated absorption of the substance aiming to be superimposed on a feeling of insupportable emptiness and anguish of separation. This vacuum clinic may involve a more supportive movement on the part of the clinician, a move to get into the ford and not be too frustrating.