Numéro |
psychologie clinique
Numéro 55, 2023
Les dispositifs de l’objet, aujourd’hui
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Page(s) | 200 - 202 | |
Section | Hommages | |
DOI | https://doi.org/10.1051/psyc/202355200 | |
Publié en ligne | 31 mai 2023 |
Charles Melman (1931-2022)
Psychanalyste, membre de l’Association lacanienne internationale
Le 20 octobre 2022, un très important psychanalyste et maître de la psychanalyse, Charles Melman, nous a quitté. Né le 3 juillet 1931, il est le principal fondateur et en même temps l’inspirateur incessant de l’école psychanalytique Association lacanienne internationale (ALI).
Psychiatre spécialisé auprès de Georges Daumezon au centre Henri-Rousselle de l’hôpital Sainte-Anne, après avoir exercé brièvement en tant que Médecin des Hôpitaux psychiatriques dans la région de Saint-Omer, il s’est installé comme psychanalyste à Paris. Il a été l’un des plus importants élèves de Jacques Lacan qu’il a suivi à partir de 1957, année où il a commencé son analyse avec lui. Il a été le responsable, à partir de 1962, de l’enseignement à l’École freudienne de Paris fondée par Lacan, et directeur de « Scilicet », revue de la même école.
Après la mort de Lacan en 1981, il a répondu aux intenses polémiques qui se sont déclenchées en fondant, en juin 1982, avec certains de ses collègues (Jean Bergès, Marcel Czermak, Claude Dorgeuille), l’Association freudienne, devenue à son initiative, « Association lacanienne internationale » en 2002 (reconnue d’utilité publique par l’État français en 2007). En 2022, l’ALI compte plus de 600 membres (en 1982, ils étaient 26) et de nombreux membres inscrits au Collège des psychanalystes en formation, fondé en 2001, toujours à l’initiative de Charles Melman. L’ALI continue à former des analystes et à contribuer à la recherche psychanalytique, et a publié les transcriptions complètes et fidèles de tous les séminaires de Lacan (réservées à ses membres pour des questions de droit).
Charles Melman a enseigné la psychanalyse pendant plus de quarante ans et, depuis la fin des années 1960, a formé plusieurs générations de psychanalystes. En 2010, il a fondé l’École Pratique des hautes Études en Psychopathologies (EPHEP) pour permettre à de futurs cliniciens, qui ne sont ni psychologues ni médecins, d’avoir accès à une formation solide en psychopathologie et en psychanalyse.
Il a privilégié l’enseignement oral par rapport au texte écrit pour transmettre la psychanalyse quoiqu’il ait écrit des nombreux articles et ait fondé plusieurs revues : « Le discours psychanalytique », « L’éclat du jour », « Le trimestre psychanalytique », « Journal Français de Psychiatrie », « La célibataire », « La revue lacanienne ». Plusieurs transcriptions de ses conférences, entretiens et séminaires ont déjà été publiées et d’autres seront publiées prochainement. En 2002, il a publié le livre « L’homme sans gravité : jouir à tout prix »1, qui est un recueil d’entretiens avec Jean-Pierre Lebrun, dans lequel il a souligné les conséquences cliniques des mutations sociales récentes en introduisant le concept de « nouvelle économie psychique »2. Son dernier livre qui est un dialogue avec Jean-Pierre Lebrun, « La dysphorie de genre ». « À quoi se tenir pour ne pas glisser » ?3, est une suite - vingt ans plus tard - du livre L’homme sans gravité et témoigne, également, de son souci de saisir les phénomènes cliniques de notre époque.
En outre, clinicien de principe, il mettait de côté le dogmatisme théorique même si, en même temps, il avait une confiance ferme dans l’enseignement lacanien, estimant que les analystes n’ont pas encore su suffisamment exploiter son aspect fortement novateur, notamment l’importance du concept que Lacan avait considéré comme sa seule découverte, l’objet a, tant au niveau de la clinique individuelle qu’au niveau de la clinique du social. Outre la formation d’analystes, il a eu une production d’innovations théoriques importantes : le « complexe de Moïse »4, qu’il ajoute à l’Œdipe freudien, le « phénomène du mur mitoyen »5 dans les psychoses, ses avancées sur l’hystérie6, la névrose obsessionnelle7, et la phobie8, la « nouvelle économie psychique » citée plus haut, etc.
Il s’est aussi amplement impliqué en tant que psychanalyste dans la cité. Il a notamment exercé une influence importante sur la mise en place des traitements de substitution pour les toxicomanes en France dans les années 1990, estimant qu’ils étaient parfois nécessaires pour dégager leurs pensées de circuits automatiques et la course infernale de recherche de drogue, afin de pouvoir parler à un clinicien tout en évitant les nombreux complications et décès (dus, entre autres, au sida à cette époque). Il a également contribué à la mise en place de la détection précoce de l’autisme grâce au programme Préaut9. Lors du débat sur « l’amendement Accoyer »10 relatif au cadre légal des psychothérapies en France en 2004, il s’est engagé pour faire reconnaître par les autorités la spécificité de la psychanalyse.
ll a travaillé avec vigueur, persévérance et dignité jusqu’à la fin de sa vie. Ses positions novatrices sur la clinique se distinguent par leur dialogue constant et rigoureux avec les positions freudiennes et surtout lacaniennes, qu’il considérait comme une continuation nécessaire de la pensée freudienne en ce qui concerne l’avenir de la psychanalyse. Son franc parler qui lui a valu plusieurs controverses, sa patience et sa manière d’innover dans sa pratique d’analyste et de superviseur ont marqué ceux qui ont eu l’occasion de bénéficier de sa présence et de son écoute. L’héritage qu’il a laissé est important pour les successeurs de son œuvre qui devront déjà se montrer à la hauteur, notamment de ce qu’implique l’absence de concession de sa part quant à sa position du psychanalyste, dans son cabinet mais aussi dans la cité.
Cf. Yorgos Dimitriadis, Le concept de la nouvelle économie psychique de Charles Melman, Psychiatrie Psychanalyse et Sociétés, 2016/1 - (vol. 4), http://www.revue-pps.org/le-concept-de-la-nouvelle-economie-psychique-de-charles-melman/
Cf. https://ephep.com/fr/content/edito/edito-de-charles-melman-une-priere-devant-le-mur-mitoyen. Le dernier numéro (no 51) de la revue Journal Français de Psychiatrie est consacré à ce phénomène.
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