Accueillir la détresse sans y rester échoué

MCF Université Sorbonne Paris Nord – laboratoire UTRPP, 99 avenue Jean-Baptiste Clément 93430 Villetaneuse. CMP enfants adolescents Garges-Sarcelles, service de psychiatrie infanto-juvénile de Gonesse (95)

^* dominique.mazeas@gmail.com

Résumé

En appui sur la méthodologie de l’étude de cas, cet article tente de cerner les particularités de la rencontre transférentielle et des processus d’élaboration dans la psychothérapie des enfants précocement traumatisés. La temporalité souvent longue de ces suivis aide au déploiement d’une dynamique de l’après-coup dans les séances et à l’émergence d’un travail de perlaboration chez le patient. Pour créer une relation de confiance suffisamment continue avec la famille de l’enfant, le thérapeute est amené à prêter attention aux résonances des vécus traumatiques précoces traversés par l’enfant dans la construction du lien familial. À partir du récit d’extraits de la thérapie d’une jeune fille née prématurée et présentant des traits autistiques, deux questionnements saillants de ce type de suivis sont ensuite décrits. Le premier concerne les possibilités pour le thérapeute d’accueillir et d’élaborer contre-transférentiellement l’effet des vécus de détresse et d’effacement du patient. Le second porte sur l’ajustement bien vivant que le thérapeute doit tenter de maintenir malgré la répétitivité du contenu des séances. Pour finir sont précisés trois processus de dégagement du vécu traumatique qui émergent souvent de manière concomitante : l’appui sur une présence tierce, la co-construction avec l’enfant d’un langage à la fois sensoriel, imagé et verbal et l’apparition de l’humour.

Abstract

Based on the methodology of the case study, this article attempts to identify the particularities of the transferential encounter and the processes of elaboration in the psychotherapy of precociously traumatised children. The often-lengthy duration of these follow-up sessions helps to develop a dynamic of the aftermath in the sessions and the emergence of a process of perlaboration in the patient. To create a sufficiently ongoing relationship of trust with the child’s family, the therapist is encouraged to pay attention to the resonances of early traumatic experiences experienced by the child in the construction of the family bond. Based on extracts from the therapy of a young girl born prematurely with autistic features, two key issues in this type of follow-up are described. The first concerns the therapist’s ability to accept and elaborate counter-transferentially the effect of the patient’s experiences of distress and self-effacement. The second concerns the very real adjustment that the therapist must try to maintain despite the repetitiveness of the content of the sessions. Finally, we describe three processes for freeing the traumatic experience, which often emerge concomitantly : the support of a third party, the co-construction with the child of a language that is at once sensory, pictorial and verbal, and the appearance of humour.