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Numéro
psychologie clinique
Numéro 50, 2020
Enjeux d’inclusion à l’école : regards psychanalytiques
Page(s) 226 - 228
Section Hommages
DOI https://doi.org/10.1051/psyc/202050226
Publié en ligne 18 novembre 2020

Nguyen Kim Chi est morte à Paris le 5 mai 2020. Elle a joué un rôle très important dans ma vie professionnelle et dans ma vie personnelle.

Kim Chi avait le statut d’Ingénieure de recherche (ITA) de l’Université Paris 7 - UFR des sciences humaines cliniques, dans le cadre du Laboratoire de psychologie clinique fondé par Juliette Favez-Boutonier (1903-1994). Elle avait préparé sa thèse sous le titre : « Étude sur le problème de la perception réciproque et de la communication dans le mariage franco-vietnamien », sous la direction de « Madame Favez ». Elle se consacre ensuite à la psychologie projective, à la poursuite des travaux de Pierre Mabille et Mireille Monod qui avaient développé le test du village, dont elle deviendra la grande spécialiste en formant des générations de psychologues cliniciennes. Pour autant que je m’en souvienne, il s’agissait d’un genre de Monopoly avec des petites cases en bois incarnant les maisons et autres bâtiments que l’on trouve dans un village. Cet instrument servait à dépister et évaluer la personnalité et les troubles mentaux des adultes et des enfants. Son intérêt pour la pratique clinique des tests de personnalité était soutenu par un travail théorique important sur les dimensions de la personnalité.

Kim Chi occupait un grand bureau situé au troisième étage du bâtiment Censier (rue de Santeuil) avec de grandes baies vitrées exposées plein sud. Ce bureau était son univers, son chez soi où elle passait ses journées assise en tailleur à son bureau, les pieds dans des sandales. Elle se déplaçait pour aller se préparer une bouilloire d’eau chaude qu elle accommodait parfois de thé mais qu elle buvait le plus fréquemment nature. Elle partageait ce bureau avec Robert Mallet, Ingénieur de recherche au CNRS et ancien assistant de Madame Favez. Mais Monsieur Mallet ne passait pas beaucoup de temps dans son bureau. Il était toujours en mouvement et à l’écoute des étudiantes en difficultés qui venaient le voir régulièrement et qu’il recevait au coin d’une table, dans un couloir déserté. Un beau jour, Claude Revault d’Allonnes me proposa de venir occuper le bureau disponible dans le bureau de Kim Chi. J’ai eu l’impression d’arriver comme un éléphant dans un magasin de porcelaine et j’ai du me faire ma place. Je ne venais pas très souvent et principalement pour des rendez-vous professionnels et des réunions. Au fil du temps, après le départ en retraite de Monsieur Mallet en 1984, nous avons trouvé un modus vivendi et avons partagé ce bureau pendant plus de quinze ans. J’y suis resté jusqu’en 1995, date à laquelle j’ai rejoint l’unité 292 de l’Inserm sur le site de l’Hôpital de Bicêtre, dans un autre univers.

Mais nous ne nous sommes pas perdus de vue. Comme moi, elle habitait autour du marché d’Aligre et on se rencontrait régulièrement, elle avec son bouquet de fleurs et moi avec mon panier à provision. Quelques années plus tard, nous nous sommes retrouvés nez à nez sur la Place Félix Éboué, notre nouveau quartier. On se croisait dans la rue régulièrement et échangions des nouvelles. Au cours des dernières années, nous partagions surtout les nouvelles des décès de nos anciens collègues. Depuis quelques mois, on ne se voyait plus sur la Place Félix Éboué et la semaine dernière, j’ai reçu un message d’une ancienne collègue m’annonçant qu elle était morte. Avec Kim Chi, disparaît tout un pan de mon existence professionnelle, certes, mais une époque du travail académique où les gens se respectaient en dépit de leurs différences. J’ai tenu à lui rendre un dernier témoignage d’amitié, en souvenir de sa générosité et de sa gentillesse.

Alain Giami

J’étais encore dans mes vertes années de recherche et d’engagement dans la clinique, lorsque, avec l’aide de Fethi Benslama, je pus rejoindre le prestigieux et hétérogène laboratoire que dirigeait à Censier Claude Revaut d’Allonnes. J’enseignai peu après dans les locaux de Censier en techniques projectives. Je fis alors la rencontre de Kim Chi n’Guyen. Elle connaissait comme peu les techniques projectives, et sa culture ne se limitait pas aux usuels Rorschach et T.A.T. Elle avait sa méthode toute de méticulosité et ses compétences pionnières. Constamment discrète, et parfois farouchement jalouse de son territoire intellectuel, elle avait su transposer dans la laboratoire un monde cohérent et raffiné qui pouvait dérouter les jeunes turcs ébouriffés et parfois chahuteurs dont Claude Revault d’Allonnes avait su s’entourer. Mais, à moi qui souvent venait la saluer dans son bureau - sa deuxième maison donc - afin de m’entretenir avec elle de questions cliniques lui faisant part aussi de l’intérêt que je prenais à lire ses travaux, Kim Chi montra à deux ou trois reprise bien autre chose que cette impassibilité fière ou résignée qui découragerait parfois les échanges. Elle ressentait avec une sensibilité avertie les risques de xénophobie qui allaient cisailler notre communauté nationale et s’en chagrinait beaucoup. Alors nous ne parlions plus de tâche d’encre, d’arbre et de bonhomme dessinés, et je pressentais qu elle avait raison, tout en me refusant à le croire. Oui Madame Kim Chi N’Guyen, vous aviez raison. Que la paix vous emporte dans vos ailleurs et dans vos croyances, vous qui me fûtes accueillante et m’avez ouvert l’esprit.

Oliver Douville

Publications de Nguyen Kim Chi

  1. Kim-Chi Nguyên. Étude sur le problème de la perception réciproque et de la communication dans le mariage franco-vietnamien / sous la direction de Juliette Favez-Boutonier / 1973. [Google Scholar]
  2. Nguyên, Kim-Chi. La Pratique du test du village : matériel Mabille, Paris : Presses universitaires de France, 1978. [Google Scholar]
  3. Nguyên, Kim-Chi La personnalité et l’épreuve de dessins multiples. Paris : Presses Universitaires de France, 1989. [Google Scholar]

© Association Psychologie Clinique 2020

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