Numéro |
psychologie clinique
Numéro 54, 2022
Psychanalyse et paysages
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Page(s) | 218 - 220 | |
Section | Hommages | |
DOI | https://doi.org/10.1051/psyc/202254218 | |
Publié en ligne | 20 février 2023 |
Claude Wacjman
Claude Wacjman nous a quittés il y a quelques mois. Nous nous étions rencontrés au début des années 1990 dans le contexte de l’Institut Georges Heuyer à Neuilly-sur-Marne, alors dirigé par Claude Veil qui inspirait une forte dose d’humanisme dans cet institut. Avec nos collègues, Micheline Bellaiche, Philippe Grandvallée et le regretté Robert Guillon nous formions une petite équipe inspirée par les principes de la psychologie clinique appliquée au champ de la formation et de l’éducation dite spécialisée. Claude Wajcman était inclassable : je n’avais jamais compris s’il était psychologue, éducateur, directeur d’établissement, historien des idées mais il était là avec son sourire, son élégance classique de type britannique, et son humour cinglant apte à reprendre les bons et les mauvais mots de nos discours. Plus tard, lorsqu’il avait pris la direction d’un hôpital de jour pour enfants en souffrance, il m’avait demandé d’assurer un travail de régulation psycho-sociale auprès d’une équipe elle-même en souffrance et en conflits. Cela a dû être une de mes dernières activités de clinique psycho-sociale dans des institutions, m’étant dirigé par la suite vers la recherche - certes inspirée par l’approche clinique dont j’avais hérité de ma formation initiale.
C’est dans le contexte du Laboratoire de psychologie clinique individuelle et sociale que j’avais entrepris la création et l’animation de la revue Psychologie clinique dont le premier numéro parut en 1989 - en édition à compte d’auteur - avant d’être soutenu par les éditions Klincksiek. Une dizaine de numéros furent publiés dans cette première mouture de la revue jusqu’au moment où j ‘ai cessé de me reconnaitre dans une identité de « psychologie clinique ». Me demandant à qui transmettre la poursuite de l’édition et de l’animation de cette revue, c’est alors que je me suis tourné vers Olivier Douville qui s’était montré intéressé par le projet lors dune rencontre qui eut lieu au Café des Phares, place de la Bastille. C’est là que nous avons convenu qu’il fallait absolument inclure Claude Wajcman dont les compétences et les intérêts et les qualités de gestionnaire venaient compléter celles d’Olivier Dou- ville de constituer une nouvelle équipe éditoriale. L’attelage Douville/Wajcman a fonctionné pendant plus de trente à la tête de la revue Psychologie Clinique avec le succès que l’on connaît et l’établissement de la revue comme la revue de référence, dans les différents domaines de cette psychologie clinique ouverte et non dogmatique que nous avions connue lors de notre formation autour de Claude Revault d’Allonnes.
Par la suite, ayant décidé de me retirer de l’animation de la revue afin de laisser champ libre au duo Douville/Wajcman, nos rencontres se sont faites beaucoup plus rares. Hélas. Un dîner de temps en temps, un appel téléphonique pour me donner une recette de foie gras dont Claude avait le secret. Claude avait réalisé un de mes rêves inassouvis : emprunter le Transsibérien… pour un long voyage en train à travers les steppes d’Asie Centrale. La vie est toujours trop courte pour partager des plaisirs.
Claude Wajcman était un vrai mensch.
Alain Giami
Sans Claude Wacjman il n’y aurait jamais eu Psychologie Clinique, cette revue que vous tenez entre vos mains. Sans l’apport technique, celui d’un homme rompu à tous les arts d’une relecture avisée de chaque manuscrit soumis à lecture, il n’y aurait pas eu de solide compétence dans la rédaction de notre revue toute jeune et reprenant sa voie. Sans l’esprit pionnier et avisé de Claude, défenseur opiniâtre et averti de la clinique psychanalytique des enfants et adolescents, historien renommé et directeur de recherche à ce qui est aujourd’hui l’Université Paris-Cité, nous n’aurions pu inviter dans nos colonnes des spécialistes de l’autisme, de la débilité, des institutions avec les sujets les plus jeunes.
Et encore cette litanie reconnaissante et émue ne fait pas le tour des apports de Claude à notre revue. La mémoire ne s’en contente pas. Il est certain qu’il y a dans l’homme Claude Wacjman des engagements profonds, secrets parfois, qui l’escortèrent jusqu’à sa mort. L’un, clairvoyant et tenace, le faisait choisir l’autisme comme un des plus tranchants analyseurs, à en considérer sa réputation et ses traitements, des dérives de la psychopathologie de l’enfant et de la pédopsychiatrie, mises au. pas, toutes deux, dans la dérive numérique de nos mondes néo-libéraux. La polémique ici n’était pas de mise, et les recherches éthérées, qui osaient parler de l’autisme, sans, une seule minute, considérer le poids des instituions où s’héber- geaient des sujets réputés tel ne trouvèrent jamais grâce à ses yeux. Théoricien clair et historien érudit il tenait loin de son estime les sculpteurs de fumée théorique trop prompts à oublier que la structure subjective ne se révèle pas telle que et que l’ampleur ou la véhémence de ses manifestations sont tributaires du contexte institutionnel au sein duquel elles se produisent. Une autre tendance, puissance et sourde de ses engagements concernaient les violences de l’histoire, les génocides, l’extermination des juifs. Il était pudique mais jamais indifférent, concerné et présent, sans sacrifier à l’enflure du militantisme.
Un sentiment d’embarras inexprimable me saisit. Il est si pénible et d’une ardente nécessité pourtant d’évoquer en quelques lignes un grand ami et complice disparu ! De même que notre revue, avec Claude si bellement en chemin, va nuit et jour recevoir et chercher des textes et des alliés où que ce soit dans le monde, l’amitié et le travail avec Claude, mon ami Claude, allait toujours échanger au plus net, au plus franc, au plus vif, sans aucune lassitude et marqué par ce sens de l’hospitalité dont il fut un des dispensateurs le plus généreux et le plus suave.
Claude c’était aussi la joie du jazz, du rhum, du Bourgogne dégotté «je ne dis pas où », le bonheur des rires, la tendresse. Claude c’était encore le voyage, la Chine dans ses confins de haute religiosité, la Nouvelle-Calédonie où, ami des vieux cha- mans kanaks, il rendait visite à sa fille, Judith, et faisait des photos, dont celle qui fait couverture de notre numéro.
Claude a beaucoup publié, chez Dunod, principalement, sur l’autisme, l’institution et les contes. Psychologie Clinique s’est honorée de faire paraître certains de ces textes des plus avertis et incisifs sur la bataille de l’autisme. Baguenauder en compagnie de Jean-Jacques Rousseau et de ses commentateurs balourds ou fluides était également une de ses gourmandises intellectuelles.
Cet homme de terrain, comme on dit, au point qu’il dirigea, lui psychologue, un établissement à la Fondation Saint-Simon, releva souvent la tête et se souvint de ses anciens, Roger Misés, en particulier, pour continuer l’engagement pour une pédopsychiatrie humaine. Cet héritage fut pour lui, non un regret mais une chère espérance pour laquelle il sur combattre.
Claude Wacjman disparu, la revue continuera. Et elle continuera avec lui fidèle à ses exigences, à son courage et à sa rigueur et, je l’espère, à son humour. Avec compétence, Marie-Claude Fourment est notre nouvelle secrétaire de rédaction. Qu elle lise ici l’expression de ma solidaire gratitude.
Que sa famille et sa chère épouse Michelle veuille recevoir ici l’expression de notre amitié, de notre reconnaissance et de notre soutien.
© Association Psychologie Clinique 2022
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