Numéro |
psychologie clinique
Numéro 48, 2019
Variations de l’humeur – l’affect dans la clinique contemporaine
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Page(s) | 5 - 6 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/psyc/2019485 | |
Publié en ligne | 20 décembre 2019 |
Présentation
1
Psychanalyste, membre de l’École Freudienne, 198 rue Paul Bellamy, 44000 Nantes
Psychologue, Docteur en psychologie, Service Psychiatrie II, Hôpital St Jacques, CHU de Nantes, 85 rue St Jacques, 44093 Nantes.
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Psychologue clinicien, Centre fédératif Douleur, Soins de support, Éthique clinique. Centre Hospitalier Universitaire de Nantes, Boulevard Jacques Monod, 44093 Nantes, France
Chargé d’enseignement et Docteur en psychopathologie clinique. Membre Associé Laboratoire de psychopathologie et clinique psychanalytique (EA 4050) Université Rennes 2, 35043 Rennes, France
Interroger le phénomène de l’humeur et les renversements des tonalités affectives confronte nécessairement aux succès grandissants des diagnostics psychiatriques fondés sur les variations de la « bipolarité ». De la folie circulaire aux régulateurs thymiques en passant par la psychose maniaco-dépressive, l’analyse des humeurs rencontre aujourd’hui les limites d’un abord exclusivement catégoriel (APA, 2013) et ses conséquences sur les lignes de démarcation des troubles de l’humeur et la structure des psychoses. Si l’abord dimensionnel retrouve actuellement, de façon complémentaire, une place avec les modèles spectraux (le spectrum affectif chez Akiskal, le spectrum schizophrénique chez Parnas, ou les dimensions de la personnalité chez Cloninger), cette tendance continuiste de saisie des phénomènes cliniques permet-elle de se repérer et de définir les traits différentiels entre les états névrotiques, les maladies psychotiques et les psychosomatoses ?
La promotion du terme de bipolarité dans la psychiatrie moderne (et a circulation dans le langage courant) n’est pas sans soulever des questions de fond : « être-bipolaire » devient-il aujourd’hui un signifiant à tout faire, comme celui de « dépression », voire, il y a un siècle, celui de « neurasthénie »? Résorbées dans une telle appellation, manie et mélancolie relèvent-elles encore d’états pathologiques ? Ne constituentelles pas aussi la tonalité affective des moments de mutations dans la vie subjective ?
Au-delà des descriptions des troubles thymiques, la question clinique est celle du fondement des variations de l’humeur et leur logique. Comment saisir au mieux les logiques subjectives à l’œuvre dans ces variations ?
L’écoute psychanalytique s’appuie sur la notion de structure, renvoyant au rapport du sujet à sa jouissance, sujet du désir se fondant d’un savoir sur le manque, sur la castration. Le terme de psychose disparaissant du DSM au profit du trouble bipolaire, jusqu’où ce changement de registre, qui touche le concept et la clinique, doit-il être retenu pour l’orientation du clinicien ?
À partir des travaux de Freud et d’Abraham, l’approche psychanalytique des troubles de l’humeur a mis en évidence, particulièrement, l’importance de deux registres : l’affect et l’objet. En effet, c’est le rapport à l’objet (en tant qu’il est perdu) qui produit la bascule des affects et les variations de l’humeur. Les premières recherches freudiennes et post-freudiennes ont souligné d’emblée la dialectique de l’oscillation satisfaction/déception et l’échec de l’ambivalence objectale. L’enseignement de Lacan permet aussi de saisir certains enjeux cliniques des variations thymiques. D’une part, en établissant un lien radical entre dépression et lâcheté morale, pour mettre l’accent sur un seul affect (« qui ne trompe pas »): l’angoisse. D’autre part, l’interprétation de la tragédie d’Hamlet (tragédie du désir) permet d’extraire une mise en jeu des axes de la métaphore et de la métonymie pour situer la position subjective, comme effet de langage. Le registre maniaque indique alors un mouvement qui ne cesse pas dans lequel le sujet apparaît comme prisonnier de la métonymie signifiante, sautant d’un point à l’autre, délesté pour un temps de tout arrimage : il manque un objet pour stopper le mouvement indéfini de la chaîne.
Sur le versant mélancoliforme, le sujet fait l’épreuve d’une anesthésie affective, d’une dévalorisation de soi (auto-reproches, auto-accusations), il semble impossible de le relier au vivant ou d’être affecté par le signifiant. Ainsi, les états d’excitation maniaque et mélancolique nous montrent à quel point la chaîne signifiante peut être altérée ou se désagréger, dans une fuite des idées ou dans un mutisme mélancolique. D’autre part, l’économie différentielle du désir et de la jouissance apparaît comme une perspective fondamentale pour situer les implications pratiques des rencontres avec ces sujets soumis aux dérégulations de leur vie affective : Comment entendre la parole monotone et répétitive du sujet déprimé ? Quelle place pour le sexuel infantile dans ces mouvements de l’humeur ? Quels enjeux narcissiques impliqués dans la clinique du sujet âgé ?
Sur ces différentes questions, ce dossier tente d’apporter des réponses à travers des textes visant à montrer comment le phénomène humoral peut faire masque, déplacement, voire symptôme. En ce sens, il y a aussi un enjeu éthique à en situer les limites, enjeu pour le clinicien dans son écoute, enjeu pour le sujet quant à sa complexité.
© Association Psychologie Clinique 2019
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