Numéro |
psychologie clinique
Numéro 50, 2020
Enjeux d’inclusion à l’école : regards psychanalytiques
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Page(s) | 5 - 6 | |
DOI | https://doi.org/10.1051/psyc/202050005 | |
Publié en ligne | 18 novembre 2020 |
Présentation
Maître de conférences en sciences de l’éducation, unité de recherche CLEF-CIRCEFT, Université Paris 8. Psychologue clinicienne
Le champ de l’éducation est une fenêtre ouverte sur le monde, permettant d’observer de près les remaniements du lien social. La psychanalyse a le devoir de s’y confronter, et d’entendre les nouvelles questions qui se posent pour le sujet.
Nous sommes à l’heure où l’école est dite « inclusive », où être éducateur et enseignant, c’est être « bienveillant », et où de façon bienveillante, nous gérons des conflits, mais aussi les émotions, et au passage les enfants. De nouveaux modèles de rééducation se diffusent à l’école. Qu’auraient dit Maud Mannoni et Françoise Dolto ? Serions-nous encore capables d’entendre parler Dolto, comme elle l’a fait le 27 février 1986 devant de nombreux enseignants à l’hôpital Casanova de Saint-Denis2, des liens entre apprentissage et questions œdipiennes de l’enfant ?
Notre contemporanéité est caractérisée par un Imaginaire délié qui de façon illusoire semble pouvoir nous protéger du Réel auquel toute rencontre avec l’enfant nous renvoie. Par où va-t-il revenir ?
À partir d’une articulation entre la dimension sociale, institutionnelle et subjective, ce dossier se focalisera sur les politiques et pratiques éducatives dites « inclusives » à l’école, afin de pointer certains paradoxes de notre contemporanéité.
Comme le rappellent les auteurs de l’ouvrage, L’inclusion scolaire, ses fondements, ses acteurs et ses pratiques3, personne ne peut contester le fait que la série de conventions internationales et de lois nationales qui ont suivi la déclaration des droits de l’enfant, ont constitué une vraie avancée sociale, en propulsant l’accès à l’éducation pour tous les enfants, et en ouvrant la voie aux politiques éducatives qui ont conduit au paradigme de l’« éducation inclusive ». Les études et la littérature scientifique sur ce thème sont foisonnantes. Mais ce que nous souhaitons approfondir dans ce dossier, c’est le processus qui soutient ces politiques et qui risque de créer de nouvelles formes d’exclusion. Nous pouvons le résumer schématiquement en trois temps. Le premier correspond à l’élection de nouveaux savoirs experts sur l’enfant, qui produisent, dans un deuxième temps, de nouvelles nominations permettant d’identifier tout écart avec ce qui est considéré comme normal. Cela conduit à la création de nouvelles catégories d’élèves. À titre d’exemple, nous pouvons citer la catégorie de plus en plus large des élèves avec « TSA », ou encore celle des élèves avec des « troubles dys », et bien d’autres, qui ne relèvent pas du champ « psy », comme celle des « élèves allophones nouvellement arrivés ». Ce ne sont là que quelques exemples expressément très hétérogènes. Ces nouvelles catégories répertorient des « élèves à besoins éducatifs particuliers » qui doivent être inclus dans le système scolaire par et dans des dispositifs ad hoc. Il s’agit du troisième temps, la création de dispositifs scolaires, éducatifs, pédagogiques, pour la prise en charge de besoins éducatifs spéciaux. Au nom du bien de l’enfant, le risque est que ce processus se traduise par des modalités très normatives de conception des pratiques éducatives et du rapport à l’autre, produisant des formes très subtiles d’exclusion. C’est proprement cette inquiétude qui relie les recherches des auteurs qui ont contribué à ce dossier, tous travaillant à l’articulation complexe entre psychanalyse et éducation, et tous impliqués dans la formation des professionnels de l’école.
Les différentes contributions abordent, chacune de façon singulière, ces thèmes, en essayant de mettre en évidence comment les réponses subjectives face aux remaniements du discours posent de nouvelles questions à la psychanalyse bien au-delà du champ de l’éducation. Freud n’a jamais cessé de réinterroger les liens entre psychanalyse et éducation. Dans un moment où un paradigme neuro-cognitivo-comporta-mentaliste de l’éducation prend beaucoup de place, nous avons le devoir de garder ouvert ce dialogue pour ne pas cesser de trouer les discours, et pour ne pas perdre de vue les enjeux d’humanisation et ses impossibles.
© Association Psychologie Clinique 2020
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